lundi 29 novembre 2010

Brèves du lundi, le retour.

Si je blogue un lundi matin, c'est bien parce que je suis malade, enfermée chez moi à trier du linge sale (rendons-nous utile pendant que l'Époux trime et fait vivre notre famille à la sueur de son front), à vider le lave-vaisselle et à regarder la neige qui est tombée.
De toute façon, je ne saurais en faire plus, j'ai bien essayé de transcrire un inventaire après-décès de 1558 mais je n'y suis pas arrivée (j'ai seulement identifié un vieux chaudron en cuivre rouge à la page 2 (sur trente pages, ça fait pas beaucoup (et encore j'ai même pas commencé à regarder l'inventaire des titres (mais il va bien falloir (là où ça coince, justement, c'est que ledit inventaire est complètement indispensable au bon déroulement de la suite des hostilités (c'est-à-dire la rédaction de ma thèse)))))).


Sur les bons conseils de la Souris des Archives, j'ai bien avancé dans la lecture des romans de Clive Cussler. C'est du James Bond mais côté américain. Il y a des méchants russes (avant 1990), des méchants dictateurs africains et des vilains Japonais qui veulent dominer le monde (après 1990). Fidel Castro, lui, est méchant mais moins que les Russes. Il y a des trésors cachés et des bombes atomiques. Il y a des filles (un autre genre de bombes) qui couchent toutes avec le héros. Il y a un héros brun (ouais !) aux yeux verts (bof). J'aime bien.


J'aime moins les romans prise de tête : lecture cette semaine de La Montagne de l'Ame de Cao Xingjian. Une semaine pour sept cent pages, temps anormalement long. Il faut dire que le caractère extrêmement pénible de la fragmentation du récit - on va de rencontres en rencontres sans trop savoir qui fait quoi, qui est qui, pourquoi, ni comment - ne rend pas les choses très attrayantes. Néanmoins, une belle et glaçante peinture d'une nation devenue folle, avec ses camps de rééducation par le travail, ses intellectuels au mieux surveillés, au pire pourchassés, sa corruption, ses cadres du parti, son acharnement à détruire son patrimoine tout en se lançant dans des entreprises délirantes pour sauver les pandas.


Ce dimanche, les critiques du Masque et la Plume ont de nouveau encensé Houellebecq (ça m'a énervée) et joyeusement descendu Philippe Muray (du moins trois sur quatre), ce qui n'a pas manqué de me réjouir. Parce que la publication d'un volume de 1800 pages qui disent toutes la même chose : "les modernes c'est pô bien, l'homo festivus c'est caca", j'appelle ça de l'opération commerciale sponsorisée par Fabrice Luchini (qui en fait la lecture devant un parterre d'appréciateurs distingués) - ou du foutage de gueule. Au choix.


La semaine dernière (mais encore trouvable dans les kiosques), bon numéro du Télérama sur les gens qui vivent "pour survivre". Les vieux qui vivent avec le minimum retraite, les jeunes coincés et qui vont de mal en pis. Intéressant mais surtout humain et délicat - pas facile, avec un tel sujet.


L'histoire de la suppression des notes. Je ne sais pas si c'est moi qui ai vécu dans une réalité parallèle, mais j'aimerais bien que les partisans de la suppression des notes à l'école me disent s'il n'est pas vrai que les notes s'accompagnent toujours (ou alors, allez, dans 95 % des cas) de commentaires - plus ou moins abondants, certes - du prof, justifiant la note, pointant les points forts et les points faibles ?
La note n'est pas arbitraire. La note n'est pas traumatisante. La note n'est pas brute de décoffrage.
Et la Finlande, c'est aussi le pays où on trouve le plus fort taux de suicides d'adolescents. Lâchez-nous la grappe avec la Finlande.


La connerie du jour : j'entendais l'autre jour deux types visiblement pas très à gauche s'indigner de ce qu'on voit, en cinquième, l'Islam avant Saint Louis et Philippe Le Bel. Les règles élémentaires de l'assistance à personne en danger (danger de crétinerie) auraient voulu que j'intervinsse afin de leur faire remarquer que c'est d'abord la logique chronologique qui veut ça. Et puis finalement, j'ai préféré appliquer la maxime de Michel Audiard : je parle pas aux cons, ça les instruit.



jeudi 18 novembre 2010

Rire de tout.


Et un marronnier, un !
Parmi les phrases que je déteste le plus au monde, il y a celle-ci : "on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui". Parce qu'elle s'accompagne de l'air méprisant de celui qui la prononce, destiné à vous faire comprendre que si telle ou telle blague ne vous fait pas rire, c'est que vous n'êtes qu'un crétin et que - insulte absolue de nos jours - vous n'avez pas d'humour.

Et comme personne ne veut passer pour le rabat-joie de service, on se force à s'arracher un rire d'une blague qui ne nous amuse pas, parce qu'elle n'est pas drôle, parce que ça fait soixante quatorze fois qu'on vous la fait, parce que ça touche une corde sensible.

Il y a encore quelques temps, je n'aimais pas jouer les pisse-vinaigre, aussi je m'efforçais d'émettre au moins un ricanement, de répondre spirituellement, comme si je n'étais pas atteinte par la pique - ou comme si à l'inverse il y avait de quoi se poiler.
Et puis un jour je suis tombée sur un billet tout bête d'un site où l'on peut trouver des jolies perles de réflexion. Pour ceux qui ont la flemme d'aller voir le lien, c'est un Arabe qui n'en peut plus d'avoir droit à des blagues sur le mode "tiens voilà le livreur de pizzas" quand tu sonnes à la porte d'un ami qui organise une soirée.

Passé un certain âge, on se fatigue des attaques - qui ne se veulent pas toujours méchantes, mais qui exaspèrent à force de répétition. Dans mon cas, par exemple, je citerai les blagues sur les curés pédophiles, les scouts pédophiles et fachos, les blagues misogynes/machistes, les piques sur les "intellos", les plaisanteries à deux roubles sur l'accent ou la fainéantise supposée des Provençaux et des profs (alors, des profs provençaux, je n'en parle même pas).

On m'a ainsi souvent demandé pourquoi malgré mes capacités je m'obstinais à bosser dans l'enseignement public "alors que mes qualités seraient tellement mieux reconnues dans le privé". Sauf qu'à voir comment même passée la trentaine, le commercial s'en donne à coeur joie sur l'intello (comprenez, celui qui sait lire) de la boîte, désolée mais je préfère rester parmi mes semblables.

Et moi, je suis fatiguée de devoir faire bonne figure et d'avoir de l'humour vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tu n'es pas drôle, toi, quand, lorsque je te réponds un peu sèchement, ton premier mouvement est de ricaner "t'as tes règles ou quoi ?". Tu n'es pas drôle quand tu ressors la blagues des jambes des femmes qui ne servent qu'à aller plus vite du lit à la cuisine. Tu n'es pas drôle quand tu contrefais l'accent provençal que tu crois être un accent arabe mâtiné de vulgarité. Tu n'es pas drôle quand tu ressors la blague du curé pédophile que tout le monde connaît. Tu n'es pas drôle quand tu me demandes si je suis en vacances ou en grève. Tu n'es pas drôle quand tu te fous de la gueule de quelqu'un qui aime lire/visiter des expositions/voir un film dont la bande son est autre chose que pif ! pif ! boum ! boum ! racatacatac !, et que tu estimes que cela te confère une supériorité sur l'intello à lunettes.

Comme je deviens une vieille conne (c'est que je suis plus proche de trente que de vingt ans maintenant), j'ai pris l'habitude de ne plus avoir peur de plomber l'ambiance d'une soirée ou d'un dîner. Je ne veux plus faire croire que j'ai de l'humour à toute épreuve. Je m'en balance d'avoir l'air drôle. Et je ne veux plus avoir l'air de ne pas être atteinte par les mauvaises plaisanteries. Oui, il y a des choses qui m'atteignent, qui me blessent cruellement. Et je me réserve le droit d'avoir l'air susceptible, et de t'envoyer paître, toi qui veut faire rire à mes dépends, toi qui croit que la provocation est le seul mode de communication.

La phrase de Desproges, quand tu la laisses tomber d'un air condescendant parce que je ne me suis pas esclaffée sur ta sortie délicate, ne sert qu'à te rendre encore plus crétin. Rire de tout mais pas avec n'importe qui ne signifie pas que le monde se partagerait en deux, les surhommes pleins d'humour qui auraient le don de pouvoir tout brocarder sans distinction et de l'autre côté les pisse-vinaigres trop cons pour rire, mais bien au contraire qu'il faut manipuler l'humour avec une extrême précaution pour ne pas le transformer en méchanceté et en humiliation gratuite.

Mais du haut de ta superbe d'homme drôle autoproclamé, tu ne comprendras probablement pas.




mercredi 17 novembre 2010

Les objets d'Artémise, 2. La pelisse.


Nous étions jeunes, nous étions fou, nous étions jeunes mariés. L'Époux m'a fait en ce temps le somptueux cadeaux d'un manteau hors de prix, en fourrure noire, à boutons dorés - vous savez, le genre de manteau que porte l'espionne russe dans les James Bond (mais la méchante, hein, pas la gentille), ou la collabo dans les films sur l'amitié franco-allemande de 1939 à 1945.

À priori, point de bébé phoque n'a été massacré pour la confection de ma pelisse. D'abord parce que les bébés phoques, c'est blanc, et que mon manteau est noir. Et qu'à priori, c'est pas de la vraie fourrure - je ne suis tout de même pas du genre à vouloir mettre l'Époux sur la paille, non plus.
N'empêche, vraie ou fausse peau d'animal, il est chaud comme tout, doux, superbement taillé dans le style années 1940 (comme dans les films susnommés). Le manteau parfait - c'est bien simple, je n'en avais jamais trouvé d'aussi parfait.

Autant dire que j'aime voir l'automne pointer son nez, ça me donne l'occasion de le ressortir.

Il est d'autant plus jouissif de s'y glisser dedans que Paris est peuplé de donneurs de leçons de tout poil (ah aaaah) qui froncent leur nez aussitôt qu'ils me voient débarquer dans le métro emmitouflée dans ma pelisse. Car entendez bien, la fourrure, faut pas, c'est vilain, ça tue les bébés phoques. Il est désopilant de les entendre vouloir pratiquer la correction fraternelle en marmonnant des poncifs sur les gentils n'animaux cromeugnons que les salopes de mon genre exterminent pour le seul besoin du culte de l'apparence.
Certains poussent leur petit courage de Saint Just en herbe, jusqu'à vous demander si vous vous rendez bien compte du mal que vous faites à la planète (ajouter des trémolos dans la voix).

En général je réponds que non, j'aime pas les bêtes. Et ça leur coupe le sifflet. Mais pas toujours. Les plus excités se lancent dans une tirade sur la protection des animaux, le foie gras, les tests pharmaceutiques, avec force insulte à l'encontre des gros vilains comme moi.

Comme quoi, simplement en portant ma pelisse, j'arrive à choquer le bon peuple à peu de frais. Kate Moss et Michel Onfray n'ont qu'à bien se tenir.

Tremblez.







mercredi 10 novembre 2010

La laïcité, machine à tuer les libertés.





Une crèche a licencié une de ses employées, musulmane, qui venait travailler avec son voile sur les cheveux. Licenciement pour faute grave. Saisie de la Halde par la dame. Émoi des ardents défenseurs de la laïcité. Manuel Valls estime par exemple que "comme c'est le cas à l'école, le port de signes religieux distinctifs là où il y a des enfants" doit être interdit.

Je trouve cette affaire parfaitement scandaleuse. Assurément, je n'ai pas grande tendresse pour une religion (et une culture) qui exige des femmes qu'elles se couvrent les cheveux pour de sombres questions de pureté et d'impureté. Mais j'aime bien qu'on fiche la paix aux gens.

Une faute grave, dans une crèche, c'est frapper un gosse, c'est en laisser un aller se faire écrabouiller sur la route, c'est oublier de les nourrir. Pas de porter un voile sur ses cheveux.

La dame viendrait travailler en burqa, il me semblerait normal d'exiger d'elle une tenue pratique pour travailler - allez donc courir après une trentaine de mioches fagotée de la sorte ! - mais un voile sur les cheveux, faudrait viser à pas déconner. Quant à l'argument des enfants (à dire avec des trémolos dans la voix), je ne vois pas bien ce qu'il vient faire là. Ciel, des enfants seraient choqués parce qu'une des dames de la crèche a les cheveux couverts ! Ils pourraient lui en demander la raison et elle répondre que c'est parce qu'elle est musulmane !! Ils pourraient entendre parler de religion ! Etre pollués par l'abominable fait religieux !

Cette affaire est du même ordre que les cris de putois qu'on entend à chaque fois qu'un homme politique est pris en flagrant délit d'aller à la messe ou de rompre le jeûne du ramadan (les cris n'étant pas poussés par les mêmes putois, en général).

(c'est pourtant mignon un putois)


Il faudra qu'on m'explique en quoi un foulard sur les cheveux, porté pour raisons religieuses, est un trouble à l'ordre public. Cela vaut aussi pour les croix. Faut-il vraiment que je vire les quelques élèves qui portent leur croix (catholique ou protestante) autour du cou pour trouble à l'ordre universitaire ?

Il faudra qu'on m'explique en quoi il est foncièrement dangereux de parler religion à un enfant.

Il faudra qu'on m'explique en quoi il n'est pas carrément liberticide de licencier pour faute grave une dame qui a les cheveux couverts.

mardi 2 novembre 2010

"L'oeil sérieux d'un prophète et le rire d'un enfant".





Ce qui est un peu déprimant au cinéma, c'est de voir le public qui vient voir des dessins animés. En général, très peu d'enfants dans les files d'attente, même celles de l'après-midi. D'ailleurs, dans la plupart des cinémas, la séance de 16h n'est plus réservée aux trucs de gosses. Et inversement, les dessins animés se retrouvent dans les dernières séances de la nuit. Et là, bien évidemment, il n'y a plus un seul enfant dans la salle.

Moi la première, je vais voir des dessins animés. L'Age de Glace étant le dernier en date. (ce qui nous fait remonter à plus de deux ans, quand même, mais c'est une autre histoire). Honnêtement, je m'y suis bien amusée. Ce film a eu au moins le mérite de me faire oublier, deux heures durant, que le lendemain, c'était la proclamation des résultats de l'agrégation. Ce qui n'est pas peu dire.


Les dessins animés, aujourd'hui, ne sont plus des trucs de gosses. Pour la bonne raison qu'ils ne sont plus que des parodies de dessins animés. Des détournements. Souvent pas de très bon goût : la princesse qui rote dans Shrek, le prince charmant-qui-est-en-fait-le-méchant. Grosses vannes, jamais un plan qui dure plus d'une seconde. Jeux de mots à peu près incompréhensibles pour les enfants. Bilan : seuls les adultes se marrent. La dernière fois que j'ai fait voir un dessin animé à mon neveu, il a passé plus de temps à me demander "pourquoi il fait ça" plutôt que de regarder le film. En fait, je crois qu'il s'est passablement ennuyé.

Les réalisateurs de dessins animés se croient toujours très drôles et trrrrès originaux quand ils prétendent "jouer avec les codes", "s'amuser avec les clichés", "travailler sur le second degré". Sauf que les enfants ne pigent rien au second degré. Le second degré est même à mon sens typiquement une affaire d'adultes. Les réalisateurs de dessins animés le sentent confusément. Donc pour faire rire les enfants, ils rajoutent de l'humour premier degré. Souvent à base de pipi-caca.

Pipi-caca, c'est vrai que ça fait rire les enfants. Mais pas si longtemps que ça, en plus.

Mais bon sang, pourquoi faut-il vouloir à tout prix faire marrer les enfants ? Les enfants sont souvent des êtres incroyablement sérieux. Parce qu'ils veulent savoir. Comprendre comment, pourquoi, qui, où. Les enfants ont des capacités de contemplation qu'on a souvent du mal à déceler sous un perpétuel mouvement. Même s'il passe une heure à se tortiller, s'avachir, se rouler, se cogner, tomber, s'accroupir, se relever, se vautrer de nouveau, le tout sur un malheureux canapé qui n'a pas demandé à souffrir autant, l'enfant passe son temps à observer. Et à retenir, comme une éponge.

Alors, si vous voulez que vos enfants deviennent des êtres avides de beauté et de grandeur, pitié, ne leur montrez pas de quoi les faire rire. Faites-leur contempler de belles choses. Apprenez-leur la patience nécessaire pour découvrir le beau. Il est toujours tellement navrant d'entendre des gens dire qu'ils "sautent les descriptions" dans les livres...


Tout ce beau discours ne serait pas si ce n'était pas une justification de ma profonde affection pour certaines séquences des oeuvres des studios de dessins animés, capables de proposer de véritables joyaux aux enfants. En les prenant pour des êtres doués pour percevoir la beauté, et pas seulement comme des petits singes qu'il faut à tout prix faire rigoler.


La longue première séquence du Roi Lion est en ce domaine tout à fait extraordinaire.




(il n'y a pas encore si longtemps, ça me tirait des larmes).



Très réussi aussi, le début de Notre Dame de Paris. On dira ce qu'on voudra mais nos amis d'Outre-Atlantique ne se sont pas mal débrouillés du tout avec l'inoxydable pavé (en particulier faire de l'archidiacre Frollo non pas un moine immonde et grassouillet comme on le voit souvent mais un juge au visage froid - mais je ne vais pas développer parce que ça prendrait bien du temps).








Je vous rassure, il y a aussi des perles estampillées "fabrication française". Michel Ocelot dans ce domaine fait merveille. Ses interviews sont claires : il estime qu'il faut s'adresser au sens du beau chez les enfants, pas à un prétendu second degré qu'ils ne possèdent pas encore.





(et non il n'y a pas que Kirikou dans son oeuvre)



Après ça, vous n'avez plus qu'à jeter Shrek à la poubelle. Il me semble que les enfants ont aussi le droit d'avoir accès à de belles choses et que ne les croire capable que de rire gras à des blagues à connotation scatologique, c'est légèrement scandaleux et méprisant.

Les perles pour mioches sont rares mais elles existent...